La nuit a été un peu courte. Arrivées tardivement au camping hier soir, épuisée par la chaleur, j'ai monté le campement, pris ma douche, "déposé les enfants à la piscine", barbouillé ma cheville de pommade, tracé mon parcours du jour, trié les photos, mis en ligne le tout, mangé une pizza, vu que mon tracé n'était pas bon, refait le tracé, remis en ligne, regardé la carte de plus près, vu que ça allait être tendu de passer par Angoulême, testé quelques parcours possibles, brossé mes dents... et finalement mis mon réveil pour le lendemain.

Je n'ai toujours pas pris le temps de répondre aux mails que j'ai en attente depuis des lustres (notamment cette tellement chouette missive de Malo à Hardie !)... Je privilégie le sommeil. Et déjà, la nuit sera trop courte par rapport à mes besoins. 


Mes yeux s'ouvrent avant même la douce sonnerie du réveil. Branle-bas de combat, le but est de partir au plus tôt du camping pour rouler le plus possible ce matin. Cet après-midi, les 34° prévus seront harassants.

Je barbouille à nouveau ma cheville de pommade, vais "recycler le dîner", fait ma petite lessive, l'étend vaguement sur Hardie, prend mon petit-déjeuner, range le contenu de mes six sacoches, les attelle à Hardie, arrime au mieux ma petite lessive, me brosse les dents, règle le problème d'inondation dû à ma gourde Décathlon de misère, plie la tente, regarde mes mails, répond à la famille Mouillot, prépare ma feuille de route... et c'est parti ! Il m'a quand même fallu deux heures...


Le parcours du jour ne devrait pas poser de difficulté majeure. Le dénivelé est modéré, et il y a peu de "belles choses" à voir sur le parcours. Un dolmen au premier village (jamais trouvé !), puis Périgueux.


Nous arrivons dans la préfecture de la Dordogne dès 10h. Belle avancée ! 38 km de faits ! On va pouvoir prendre notre temps en ville, et pédaler tranquillement cet après-midi.


La ville est fidèle au souvenir que j'en ai gardé de mes deux précédentes visites. Elle vaut le coup d'œil sans être un coup de cœur.


Avant de partir de Périgueux, je prépare les fortes chaleurs en allant acheter un gros litre et demi d'Ice Tea. Ajouté au litre et demi d'eau de mes gourdes (remplissables à volonté dans tout bon cimetière), et aux mutiples en-cas sucrés ou salés dans les sacoches, on va pouvoir avancer à notre rythme sous la chaleur caniculaire.


La chaleur me fait transpirer de tous mes pores ! Mais je n'arrête pas de téter mes gourdes, et je fais des pauses régulières pour boire sucré et manger. Bref, j'ai plutôt la frite !


Tellement la frite qu'à 17h, alors qu'un camping pointe son nez, je me sens encore capable d'enchaîner les 20/25 km qui me séparent du camping suivant. Même s'il est vrai que ça me fera une grosse journée (pas loin de 100 km), ces kilomètres supplémentaires seront bien utiles pour réduire les étapes de demain et du jour suivant !


On se retrouve à l'ombre des arbres sur une portion de route. À l'ombre, et donc au frais ! En plus, c'est de toute beauté, le feuillage des arbres se rejoint au-dessus de nos têtes et forme un espèce de tunnel dans lequel on circule. Je pose Hardie sur le bas-côté pour aller prendre une photo un poil en aval... Bof, je devrais mettre moins de route. Zut, une voiture passe. J'attends... Nouvelle photo. Mouais... la route est penchée. Zut. Je vais la refaire. Re-re-zut, il y a un tracteur qui arrive.

Finalement, le tracteur s'arrête à mon niveau et on commence à tailler la bavette. Un tour de France à vélo ? Avec le vélo jaune là-bas ? Sans moteur ? Et tous ces bagages ? Ah oui, quand même, tout ça tout ça...

Au bout de cinq minutes, je l'entends dire : "Il est où le vélo ? ... Putain, il est passé où le vélo ?" Je tourne la tête vers Hardie, et mon cœur loupe des battements. Plus de Hardie. C'est pas possible. On était à 50 mètres du vélo, il y a même pas dix véhicules qui sont passés, et on m'a fauché Hardie. Et nous à papoter, on n'a rien vu, rien entendu !


J'entends mon agriculteur répéter en boucle "Il est où le vélo ? Putain, il est où le vélo ?" De mon côté, mon cerveau est en ébullition. J'ai bien entendu laissé papiers et argent avec Hardie. Heureusement, j'ai mon téléphone avec moi. Je vais pouvoir chercher le positionnement du mouchard GPS qui est caché dans le vélo. À condition que ça fonctionne. Mais MERDE, quand même ! Comment on a pu louper ça ??


On s'avance vers les lieux du crime et là... Hardie, tombée dans le ravin, en équilibre complètement instable sur un arbre avant la prochaine chute, de quasiment deux mètres supplémentaires... Ma réaction au stress : j'explose de rire !

Eh bah alors Hardie ?! Ça va pas de me faire des frayeurs pareilles ?! Elle m'expliquera tout à l'heure que, plus fatiguée que moi, elle s'est tout simplement assoupie.

Ma sacoche avant s'est ouverte et déversée dans le ravin, mes gourdes se sont fait la malle, les sacoches avant et la tête de Hardie pendent dans le vide, tandis que ma chère bicyclette n'est retenue que par les sacoches arrières, qui se sont coincées sur un tronc d'arbre.

C'est grâce à l'aide de l'agriculteur... et d'un autre conducteur de tracteur arrivé au même moment (!) que la situation finit par se régler. Ces messieurs, avec leurs gros bras, arrivent à extirper Hardie de là, tandis que je récupère culotte, soutien-gorge, tee-shirt et cycliste qui étaient partis dans le décor en même temps que le contenu de ma sacoche avant (bonne nouvelle : avec ces chaleurs, ma petite lessive était bien sèche !)


Je remercie vivement mes aides inespérées, et nous reprenons la route pour les dix derniers kilomètres. Mais Hardie, pourquoi tu ne m'as pas appelée quand tu es tombée ? ... Ah, tu avais peur de paraître ridicule devant l'agriculteur ? Ok. (Aaah ! L'amour propre !) ... Qu'est-ce que tu dis ? ... Tu es blessée parce qu'ils ont dit que tu étais lourde ? ........ (Aaah ! L'amour propre !!)