La cheville est toujours enflée et me fait encore mal. La bonne nuit de sommeil n'a donc rien amélioré ?!

Mon cerveau est en ébullition. Quel programme adopter aujourd'hui et les jours prochains ? Il faudra certainement reposer ma cheville. Pourquoi ne pas rester quelques jours au camping municipal de La Vacquerie-et-Saint-Martin-de-Castries ? 6€ la nuitée, au calme, eau bien chaude dans les douches, électricité pour recharger mon téléphone, et même le Saint-Graal des campings : le papier toilette dans les WC ! Bref, le camping parfait du cyclo-campeur. Le problème, c'est que je n'ai plus rien à manger... Il y a bien plusieurs restaurants, mais tous fermés aujourd'hui. Les villages proches ne résoudraient pas non plus ce problème. Et si je me déplaçais d'une quinzaine de kilomètres ? Au Caylar, il semble y avoir un docteur, un supermarché, et un camping. Mais pas de pharmacie... Et puis démonter le campement, le replanter une heure plus tard, et le redémonter dès le lendemain matin pour aller chercher une pharmacie à Millau, non, franchement, ça ne me tente pas. Et ça, c'est dans l'hypothèse où j'arrive à avoir un rendez-vous dès aujourd'hui chez le médecin !

...

Bon, Millau, alors ? Ok. Mais est-ce qu'il y a moyen de caser La Couvertoirade ET le cirque de Navacelles, sur le parcours pour Millau ? Bof. Ou alors il faut y aller en deux jours... Punaise, c'est vraiment trop con. Je suis sur le plateau sur lequel se situe un des plus beaux endroits de France, à 20 km seulement de ce cirque, je suis venue spécialement pour ça... et je vais devoir y renoncer. C'est moche.

J'avale la décision la plus logique, et je démarre l'organisation : appel de médecins millavois et obtention d'un rendez-vous demain matin, recherche et validation de la disponibilité et du prix d'un logement pour quelques jours sur Millau... et c'est parti. Je quitte la camping à 11h30. L'organisation prend toujours du temps...


J'ai de la chance, autant elle m'embête pour marcher, autant la cheville est indolore en pédalant. Hormis que je suis plus crispée que d'habitude. Et donc plus vite fatiguée. Mais globalement, faire du vélo n'a pas l'air de traumatiser ma cheville.

Je réalise tout à coup la chance que j'ai d'avoir choisi des pédales simples ! Si j'avais eu des chaussures automatiques, j'imagine un peu les douleurs... !

Puis je réalise encore la chance que j'ai de m'être foulé la cheville droite ! Car je ne sais descendre et monter sur un vélo que par le côté gauche... Là encore, j'imagine les douleurs occasionnées si ça n'avait pas été le cas !

Bon, finalement, on trouve toujours des sujets pour se réjouir, non ?!


J'arrive au Caylar à midi passé, prête à faire mes courses et/ou à me poser dans un restaurant. Au carrefour, un homme à vélo, tout sourire, des baguettes de pain dépassant de ses sacoches, me salue. Est-ce que vous savez où vous mangez ce midi ? Euh... Pas encore. Alors, je vous invite chez moi !

Oh ! Je n'en reviens pas ! Ça existe encore, les gens comme ça ? Mais c'est génial !

En tout bien tout honneur, me précise-t-il. Ma femme est à la maison. Suivez-moi, j'habite tout près. Par contre, je suis désolé, mais je dois être parti pour 13h40.

Ah, mais ça m'arrange, car de mon côté, je dois être à Millau ce soir, et il reste encore de la route. Et je ne peux pas me permettre d'avoir du retard, car j'ai rendez-vous chez le docteur demain pour ce que je pense être une entorse...

Eh bien ça tombe bien, ma femme est médecin, justement !

Mais nan ! Comment c'est possible d'avoir autant de chance ?!

Me voilà donc diagnostiquée par Françoise, le docteur du Caylar. Entorse confirmée. Prescription faite. Repos conseillé pendant trois jours (et tu verras après). Repas en cours.

Mon bienfaiteur Hubert et Françoise sont en fait également des cyclo-campeurs. Mais pas que. Ils sont aussi membres de CCI (Cyclo-camping international). Mais pas que... Ils font aussi partie des organisateurs du festival du Roc Castel. Tu connais ? Euh... Non, ça ne me dit rien. C'est un festival sur les voyages lents. Là, je fais le rapprochement ! Aaaaah ! Mais c'est le "festival du voyage lent du Caylar dans l'Hérault", dont j'ai beaucoup entendu parler ?! À aucun moment je n'avais fait le rapprochement avec Le Caylar en regardant mes cartes ! Certainement parce que j'en ai surtout entendu parler à l'oral, et que Lequélard, ça aurait très bien pu s'écrire comme ça !


Hubert me propose de rester ce soir. Il en profiterait pour inviter Brigitte, une amie du village "encore plus cyclo-campeuse qu'eux" !

Une soirée conviviale, une demi-journée de repos pour mon pied en attendant, et une arrivée sur Millau demain au lieu de ce soir tard... Laisse-moi réfléchir... C'est oui !


Je découvre alors qu'Hubert est un passionné. De cartographie d'abord. Les cartes accrochées au mur et les atlas dans les bibliothèques sont légions ! De linguistique, surtout. Il possède un nombre incalculable de méthodes d'apprentissage de langues étrangères ! Et il maîtrise pas moins de... 8 langues ! Dont l'occitan, raison de son absence cet après-midi : il va faire un atelier occitan avec les enfants de l'école voisine. Et aussi de beaucoup d'autres choses, dont l'ornithologie, l'art postal...


Je me fais enrôler sans trop de difficultés comme facteur humain ! Je ne serai pas un membre officiel de l'Agence des Facteurs Humains, mais chargée de la même tâche : porter un message important mais pas urgent à son destinataire, sous forme de lettre. J'avais déjà visionné durant un festival un reportage sur le sujet (que je vous mets en lien), et je suis plus que ravie d'allier la transmission de cette lettre à mon périple !


En parallèle, je découvre une journée type de médecin de campagne. Une course perpétuelle. Les rendez-vous en journée. Le traitement des appels le midi en même temps que le repas. Et le soir, les rendez-vous à domicile, avec ce jour-là un retour vers 22h. (Sans parler du lendemain où la journée a finalement commencé plus tôt que prévu pour partir constater un décès...) Un rythme impossible à tenir pour le commun des mortels. Il lui reste un an et demi avant la retraite. Nul doute qu'il faudra deux médecins pour la remplacer, ma génération étant maintenant intraitable sur l'adaptation des conditions de travail à un équilibre vie personnelle/professionnelle...


La soirée se passe fort bien, sous le signe du bon repas ! Multiples bouchées apéritives, Málaga virgen, patatas bravas con aioli, crumble aux pommes (il a repris du service !)... Je me couche la panse bien pleine et l'esprit ravi de cette journée inespérée, prête à repartir vers Millau et sa pharmacie demain. Avec l'éventualité d'y recroiser Brigitte dans quelques jours...