[Salut la compagnie ! C'est encore Hardie ! Laurène roupille, alors je prends les devant pour vous raconter un peu notre voyage...]


Déjà plusieurs jours que Laurène est stressée. Ça a commencé après la nuitée à Mérindol. Le cap était fixé plein sud car un colis nous attendait en poste restante à Marseille. Il fallait bien choisir un lieu pour que Véronique puisse nous renvoyer la doudoune oubliée au Bar-sur-Loup. Et quand on n'a pas de parcours prévu, dur dur de connaître où nous serons dans quatre jours... Alors Laurène avait trouvé ça intelligent de choisir Marseille, car on lui avait chaudement conseillé les calanques, et qu'elle pourrait ensuite continuer vers la Camargue, qui lui avait aussi été recommandée... Bon... au final, elle a convenu que ce n'était pas intelligent du tout.

Pourquoi ? Parce que le trafic routier est tellement important près de la côte qu'on a eu cent fois envie de faire demi-tour et de se carapater dans les montagnes, à l'abri de tout ce monde en voiture. Mais impossible, car le colis nous attendait !


Le stress a monté d'un premier cran quand elle a découvert que les "petites blanches", ces routes supposées sans trafic, étaient plus passantes que les "grosses rouges" de certains départements, la largeur de route en moins...


Le deuxième cran a été atteint alors qu'elle passait des heures à chercher - sans succès - un logement sur Marseille possédant un endroit fermé pour la compagne de route que je suis. Pas pour rien qu'on a fait escale à Aix-en-Provence ! C'est parce qu'on aurait dû dormir dehors à Marseille, faute de logement !


Le dernier cran a été franchi en arrivant à Marseille. On nous avait prévenues, pourtant... Mais quand même, qu'est-ce que c'est crade ! Comme la fin d'un marché hebdomadaire... mais sans le marché. Du plastique, du carton et des trucs en tous genres qui volent au vent. Et nous qui subissons le trafic certes, mais aussi une route en mauvais état. Et un gros trou par ici. Et une énorme bosse par là. (Non, mais franchement, comment c'est possible d'avoir des bosses aussi démesurées sur la chaussée ??) Tout ça bien sûr avec d'affreux jojos en voiture ou moto qui roulent, on peut le dire, n'importe comment. En même temps, quand ils ne roulent pas, c'est guère mieux, ils se garent n'importe comment. Parfois le cul de la voiture dépasse allègrement du stationnement, souvent c'est carrément au milieu de la route. Tranquillou. Tout ça a l'air normal, ici.


Arriver à la poste, puis à l'auberge de jeunesse, fait redescendre un peu la pression. Certes, je dormirai dehors, mais dans une cour fermée. D'accord, la cour est ouverte en journée, et je suis un peu visible depuis la rue, mais je suis aussi située juste en face d'une vidéo de surveillance. Laurène respire. Pas trop, mais mieux qu'avant notre arrivée sur Marseille.


Malgré tout, son séjour a été... comment vous dites ? Couci-couça ? Nan, voilà ! En demi-teintes !

Il y a eu de bons points : elle s'est fait deux soirées théâtre qui lui ont beaucoup plu (les vélos n'y étaient pas acceptés), a fait de belles rencontres dans sa chambrée, a marché dans quelques beaux endroits de la ville. Mais à côté de ça, Madame Météo n'a pas souhaité lui faciliter la tâche durant sa présence à Marseille, la Cathédrale et la Basilique ont refusé de lui ouvrir leur chœur, et elle a regretté comme jamais son sac de trail durant la randonnée dans les Calanques (randonnée qu'elle a par ailleurs adorée, même si elle aurait eu moins mal aux pieds si elle avait pu courir, m'a-t-elle expliqué).


Le stress a repris le dessus pour la préparation de notre départ de la deuxième ville de France. Si nous avons subi un trafic d'enfer sur la route par laquelle nous sommes arrivées, rien ne sert d'emprunter la "grosse rouge" qui longe la Méditerrannée vers l'ouest (puisque tel est notre cap), et qui est pourtant plus courte d'une vingtaine/trentaine de kilomètres... Elle prépare donc notre feuille de route en reprenant la route empruntée vendredi... jusqu'à ce que je l'entende rouspéter. "Oh et puis merde, de toutes façons, ça ne peut pas être pire que vendredi !" (Oui, c'est elle qui m'apprend les gros mots !)

Et la voilà qui prend un autre reçu de carte bleue, seul papier disponible, et débute un nouvel itinéraire passant par la fameuse "grosse rouge".


Ce lundi matin, résignées, nous débutons notre journée en même temps que tous les travailleurs marseillais. Nous arrivons tant bien que mal à rejoindre la "grosse rouge". Et là... personne. Pas un chat. Petzouille. À peu près comme une "petite blanche" d'un département standard...


Alors que nous longeons la Méditerrannée, nous voyons au loin la silhouette de la Bonne Mère et de son fiston, qui dominent Marseille. Mon regard est plutôt affuté, et c'est sans équivoque possible que je vois que le garnement, petit sourire en coin et me fixant des yeux, tend ses deux majeurs au ciel... Je préfère adoucir l'image, et je glisse à Laurène un "Tu aperçois la statue de Notre-Dame de la Garde ? Ils nous font des signes de la main..." Laurène est contente...