La Vahiné a disparu...

Ça a un air de déjà-lu ? Mais cette fois, elle a vraiment disparu. De même que le bouquet de blé porte-bonheur. Peut-être était-il trop abîmé pour jouer son rôle ? Ou peut-être que justement, maintenant qu'il l'a joué, il pouvait partir peinard ?


C'est sur la place de l'hôtel de ville de Saint-Quentin que c'est arrivé. Je laisse Hardie près d'un baraquement en bois, et vais faire le tour de la place. Je commence par m'asseoir sur un banc sous les arcades de l'hôtel de ville, et me fais surprendre par une sculpture au-dessus de moi d'un homme en train de me montrer son saint orifice (l'odeur en moins !) ! Ah, ça change des angelots des églises, c'est sûr !


Je fais ensuite le tour de la place, et me délecte de l'architecture art-déco. Ornementations, motifs floraux ou spirales, frontons, ferronnerie, fenêtres arrondies... Il faut dire que cette ville a été détruite à 80% durant la première guerre mondiale. Du coup, elle a été reconstruite dans l'après-guerre, à la mode de l'époque. J'aurais tout de même besoin d'un guide conférencier pour en apprendre plus et apprécier à sa juste valeur ces bâtiments.


Je finis par revenir vers Hardie. Hardie qui... (regarde à gauche) ... qui... (regarde à droite) ... qui n'est plus là (regarde dans toutes les directions).

Mais non, j'ai dû la mettre derrière l'autre baraquement... Pas de Hardie non plus... J'ai mes sous, mes papiers, mon téléphone, mon appareil photos "bis". Et j'ai encore tous mes moyens à ce moment-là.


- Excusez-moi, vous venez de cette direction. Auriez-vous vu un vélo jaune avec des sacoches jaunes ? Vraiment très jaune. Je viens de me le faire voler.

- Non, pas vu.

- Si vous le voyez, pouvez-vous le ramener près du baraquement là, s'il-vous-plait ?


Je continue sur ma lancée et rameute les passants.

- Excusez-moi. Auriez-vous vu un vélo jaune avec des sacoches jaunes ? Vraiment très jaune. Je viens de me le faire voler.

- Pas vu. Vous devriez appeler la police municipale. La ville est truffée de caméras.


Bien sûr. J'appelle donc la police municipale de Saint-Quentin... qui est fermée. Ben oui, on est dimanche !


Entre-temps, j'ai l'esprit happé par mon téléphone. L'application du tracker GPS est lancée, j'attends de savoir dans quelle direction est parti le kidnappeur de Hardie. Mais de un, les mises à jour ne sont pas instantanées. Et de deux, ce tracker m'a montré par le passé qu'il n'était pas très fiable au niveau du délai de mise à jour annoncé (toutes les 5 minutes en théorie... toutes les plusieurs heures régulièrement en pratique...).


Ah ! Ça y est ! Une mise à jour ! Hardie est partie en direction de Péronne. Le kidnappeur est déjà à 2 km de là. Mais ce n'est certainement pas sa destination finale...


L'attroupement de passants continue de m'aider, moi dont le cerveau est en PLS.

- Vous pourriez appeler le 17.


Allez, on appelle le 17. Pas de repos pour le 17. J'explique la situation à mon correspondant. Lui indique la position du dernier point GPS.

Je vois avec les collègues. On vous rappelle.


Je sais que les dernières coordonnées indiquées par le GPS ne sont peut-être pas le lieu final, mais je rêverais d'aller sur place. Sainte Bernadette exauce mon vœu ! Sa voiture est proche, elle se propose de m'y amener. Nous partons donc instantanément vers le "dernier point connu" en compagnie de son mari Marc. Direction le restaurant Le Crocodile ! Dans la voiture, la pression retombe momentanément, et je me transforme en fontaine.


Nous arrivons déjà. Pas de nouvelle mise à jour du tracker... Mais pas de Hardie pour autant.

Je rentre dans le restaurant. Ils n'ont pas vu de vélo jaune, non. Je fais le tour du bâtiment et vais me décider à utiliser la fonction ultime du tracker (un mode de "recherche fine" en Bluetooth, qui permet de m'orienter sur les derniers mètres qui me séparent du vélo) quand...

Caché derrière des palissades en bois cachant les poubelles du restaurant, Monsieur finit de vider Hardie de mes p'tites affaires.

La seule chose que je trouve à lui dire est :

"Mais il faut pas faire ça, Monsieur !"

Monsieur s'excuse platement, dit qu'il ne m'a rien pris, se ré-excuse, ouvre son sac à dos à ma demande, se ré-excuse. Et s'en va. Et moi je pleure comme une madeleine de Commercy.


Je retourne chercher Bernachou et Marcus, et on constate les dégâts. Hardie est saine. Seul son œil gauche a un peu morflé, mais elle s'en remettra. Pour ce qui est des affaires... Tout a été vidé. Proprement. Enfin, si on peut dire. Disons que presque rien ne traîne au sol. Et pour cause : tout a été jeté dans un seul et même container : le bac de récupération des huiles de friteuse...


Bien que vide à l'heure actuelle, le bac n'est pas pour autant propre. Il est archi gras sur son sommet et ses bords intérieurs. Et il reste bien entendu un fond d'huile...


Sainte Bernadette va chercher l'énorme rouleau de sopalin dans son coffre, et on se met à l'œuvre. On sort, je pleure, on éponge, je pleure, elle lave, je trie, je commence à ranger. C'est affreusement dégoûtant. La plupart des affaires sortent indemnes du lavage à l'huile, mais pas mal de choses ont touché, voire ont carrément nagé dedans. C'aurait certainement été moins répugnant si Monsieur n'avait pas été si méthodique. Tout avait été sorti et déplié. Absolument tout. Mes chaussettes pliées ont été dépliées. Ma doudoune repliée dans sa poche a été ouverte. Les lettres et cartes (Monia, Guillaume, Anne-Lise) ont été sorties de leurs enveloppes et tout est froissé sinon huilé (Anne-Lise). Et bien entendu, Monsieur n'a rien trouvé, puisque je ne cache pas d'argent autre part que dans la banane qui me suit partout.


Je déplore finalement assez peu de pertes. Je pense effectivement que Monsieur n'a rien pris avec lui en partant.

Restent les dégâts matériels : l'œil de Hardie (pas d'explication), le porte-carte transparent avec le message "Laurène et Hardie" (rendu inutilisable - il l'a arraché, car ça gêne l'ouverture des sacoches arrières !).

Les disparitions : la Vahiné, le bouquet de blé.

Et les dégâts huilesques : deux rouleaux de PQ, trois livres (dont celui offert par Anne-Lise), ma feuille de route du jour, de nombreux petites cartes des artisans-créateurs qui m'avaient tapé dans l'œil. Et j'espère que les connectiques de recharge des appareils vont fonctionner après ce bain à l'huile...


Je ne peux même pas inviter mes sauveurs au restaurant voisin, ils sont attendus ce midi. Je me contente donc de les remercier mille fois... des fois que ce soit suffisant.


Dans mon malheur, un lavomatic se situe à deux pas du lieu du crime. Je passe ainsi les heures suivantes à enchaîner les lessives et les séchages. Une personnne attendant au lavomatic me rendra même un service des plus utiles... me ravitailler en papier toilette ! Sinon, bonjour la journée de merde...