Laurène - Photo du jour n° 11 :

Que faisait Louis XIV ici ? Mais il se mariait bien sûr ! Avec Marie-Thérèse d'Autriche, Infante d'Espagne. Mais Gomi vous en expliquerait mieux les raisons que moi ! (En photo, l'intérieur de l'église Saint-Jean-Baptiste, où eut lieu le mariage).


Gomi - écrivain plus rapide que son ombre

C'est bien connu : avec l'arrivée des premiers frimas, les oiseaux et les cyclistes migrent vers le sud pour retrouver les chaleurs du roy Soleil.


Le contexte : Guerre de Trente Ans en Europe centrale. Dans le genre machin compliqué... Je vais tâcher de résumer à peu près rapidement.


Entre 1618 et 1648 le Saint-Empire (multitude de petits États plus ou moins allemands dont seuls les plus riches ou influents disposent d'un Électeur pour élire l'Empereur) se déchire sur fond de guerre de religion, et ses voisins du Danemark et de la Suède se joignent joyeusement à la fiesta qui va exterminer une bonne moitié de la population d'Europe centrale. La guerre se déclenche à Prague suite au passage d'un bonhomme par une fenêtre un peu à l'insu de son plein gré. Les débuts de guerre, c'est souvent très con.


Le conflit se cantonne au début dans les territoires du Saint-Empire, mais les royaumes voisins, dérangés par le son des clairons, des trompettes et des « boum boum » des canons un peu trop forts viennent voir ce qui s'y passe. Les catholiques prenant pas mal de fessées de la part des luthériens et affiliés (même si ceux-ci subissent aussi des défaites, l'ascendant étant par période), l'Espagne qui a des possessions dans les Flandres et les Pays-Bas décide de rejoindre la guerre du coté des états catholiques, en se présentant comme défenseur de la Foi. En 1635, le très catholique Cardinal de Richelieu, qui voit d'un très mauvais œil que l'Espagne, dont les territoires entourent pratiquement la France, ne s'étende encore plus, fait entrer la France en guerre du coté des luthériens. À noter que Richelieu finançait déjà en sous-main les partis protestants impliqués dans cette guerre, en particulier la Suède.


Louis XIV naît en 1638, et devient Roy à 5 ans en 1643, cinq jour avant que les armées françaises n'infligent une sévère déculottée aux troupes espagnoles à Rocroi. La légende veut que, bien avant Rambo, ce soit Louis XIV qui ait un jour déclaré « C'est pas ma guerre ! ». La guerre de Trente Ans se termine en 1648 lors du traité de Westphalie (traité qui clôt aussi la guerre de Quatre-Vingt Ans, durée de la révolte des Pays-Bas contre l'occupant espagnol), mais France et Espagne qui considèrent le match nul décident de jouer une troisième mi-temps (ils sont arrivé au début de la deuxième, aussi... ça n'aide pas). Les prolongations se jouent jusqu'en 1659, où la paix est signée lors du traité des Pyrénées, laissant les deux pays exsangues. Et quoi de mieux, pour renforcer une paix, qu'un mariage ? Louis XIV, Roy de France, et Marie-Thérèse d'Autriche, Infante d'Espagne (la dynastie des Habsbourg qui règne sur l'Espagne a ses fiefs d'origine en Empire, en Autriche) (je sais, ce n'est pas simple) sont donc fiancés manu militari, et tout ce beau monde se retrouve en 1660 à Saint-Jean-de-Luz pour fêter ça.


Le mariage de Louis XIV et de Marie-Thérèse d'Autriche, chouette archétype du mariage bizarre de l'époque puisque les jeunes épousés sont cousins très germains : Louis XIV a pour mère Anne d'Autriche, sœur du roi d'Espagne Philippe IV de Habsbourg. L'épouse de ce dernier, Élisabeth de France, est la mère de Marie-Thérèse d'Autriche mais aussi la sœur de Louis XIII, père du marié (ça va, vous me suivez ?) Peu pratiqué en France, le mariage consanguin est presque systématique en Espagne depuis Charles Quint, ce qui conduit à l'extinction des Habsbourg au début du XVIIIe siècle, permettant à Louis XIV de mettre son petit-fils sur le trône d'Espagne après une longue guerre fort intelligemment nommée « guerre de succession d'Espagne », qu'il a manqué de perdre de peu. Cet épisode est principalement connu dans la culture populaire par la chanson « ♫ Malbrough s'en va t'en guerre ♪ », en référence au Duc de Marlborough, général anglais des armées coalisées qui en a sacrément fait baver aux troupes françaises – et aux paysans. C'est ce qui explique que le Roy d'Espagne actuel est un Bourbon, puisque toujours descendant direct de Louis XIV.


Les Roys de France de cette époque, depuis Henri II, sont souvent casés avec des Italiennes et des Autrichiennes, respectivement pour le pognon et les bons coups géopolitiques qu'elles pouvaient leur apporter. Les mœurs étant ce qu'elles étaient – et sont toujours à certains endroits du monde – les parents payent grassement l'époux pour les débarrasser de leur enquiquineuse de fille qui ne sert à rien, puisqu'elle est une fille, au travers d'un don gracieux et généreux qu'on appelle la dot. Plus la fiancée est de haute noblesse, plus on paye cher pour s'en débarrasser, autant dire que refiler une princesse coûte bonbon. Mazarin, premier ministre filou de son état, a plutôt bien négocié le coup, puisque son mariage avec Marie-Thérèse d'Autriche apporte en dot à Louis XIV rien de moins que le Roussillon, la Cerdagne, l'Artois, et moult places fortes en Flandres et en Lorraine. De plus Mazarin, plutôt taquin puisqu'il savait pertinemment que l'Espagne n'avait pas les moyens de payer, avait ajouté une clause au contrat de dot – le genre de truc en petits caractères en bas de page – qui stipulait que Marie-Thérèse d'Autriche renonçait à ses droits sur la Couronne d'Espagne pour 500 000 livres de dot. La somme ne sera effectivement jamais versée à la France ce qui permettra à Louis XIV quelques années plus tard, à la mort du Roy d'Espagne, de revendiquer les droits de sa femme sur la succession espagnole et surtout sur les Flandres espagnoles en déclenchant la guerre dite de Dévolution. La Dévolution, coutume de droit privé de la province du Brabant (sous domination espagnole), selon laquelle « les immeubles apportés en mariage par l'un des époux doivent toujours revenir à leurs enfants, y compris lorsque le survivant du couple se remarie ». Certainement encore un coup d'un avocat qui a dû nonchalamment déclarer que « Ça se plaide ». Cela permet à Louis XIV de rafler les villes de Lille, Douai, Tournai et quelques autres, sous le regard inquiet du dirigeant des Provinces Unies (Pays-Bas actuels) qui monte alors une coalition avec la Suède et l'Angleterre contre la France.


La légende veut que Marie-Thérèse d'Autriche aurait été surnommée « Maïté » à Saint-Jean-de-Luz par les Basques, l'histoire ne dit cependant pas si ce surnom lui a été donné pour avoir fait une démonstration de cuisine de mousquetaires.